Khouribga Sur Face et Au Fond du Réel (Par Omar BOUQSIM)

Publié le par Omar Bouqsim

 

 

Sur Facebook, Khouribga recense plus d'une dizaine de groupes, certains généralistes et d'autres spécifiques: soit dédiées à des rues soit consacrées à des quartiers. Et d'autres milliers de pages individuelles, en majorité ouvertes de tous les coins du monde. Ces dernières ont un point commun, elles expriment toutes le mal du pays: «  waaaaaaaaaaaaaaaa khouribga twahachtak »; « Khouribga httttttttttttttttaaaaa lmoutttttttttt »; « ma ville, ma chère ville natale, le seul endroit où je respire »... Ce sont là des extraits souffrant du silence de la poussière d'une ville qui manque à des cœurs tendres.... à des cœurs qui l'aiment follement, jusqu'à oublier telle que leurs esprit l'avait quittéé, le séjour dernier. Je pense surtout à ceux et celles qui y sont né(e)s et émigré(e)s avec une mémoire accomplie. Les autres, qui n'ont qu'un lien filial, sont excusés.

En tout cas, pour tous et toutes, Khouribga telle qu'elle s'exprime sur Face n'est pas celle du Réel. Je m'en veux franchement de le rappeler.

Âmes sensibles, abstenez-vous de lire la suite de l'article. Masochistes, bien le bonheur, vous seriez servis! Que réjouissance ! Vous pataugeriez dans le marécage, la merde, d'une ville sans âme. Et vous êtes prévenus, d'avance, ce n'est qu'un plat d'entrée. Hors d'œuvre, comme qui dirait. « Lbagra dial btata », sera servie pour la suite. Et encore, maintenant « tankhadrou bi lbanane » car c'est moins cher. De même que le dessert, «saykhouk», c'est promis. Ce seront d'autres hallucinations verbales. A vos plumes, je ne suis pas seul damné à cracher le venin sur vos écrans.

Khouribga, en toute honnêteté, j'y suis natif et ayant grandi : laide ville, hideuse... pourquoi s'en cacher la face? Rien n'est achevé : ses bâtis et surtout les bougres qui l'occupent.

Loin de révéler les contrastes dont rêve le pays, ça et là chatoyantes, en couleur et en mélodie exotiques, dans les lieux où est convoité le dépaysement de dix millions de touristes en mal d'histoire coloniale, Khouribga, n'est pas sur la trajectoire. Peut-être, au hasard d'un séjour, lors de la Toussaint, quelques Français paumés passent par le cimetière chrétien, s'assurent que les tombes de leurs ancêtres existent toujours, prennent quelques clichés et reprennent leur route vers des horizons plus prometteurs de réjouissance.

Khouribga se pare, le soir, de ses déambulions, quand il fait frais pour supporter une balade, mais transbahute la déception dès réapparition du soleil. Cet astre méchant qui lui rappelle sa réalité putride : la résignation de la prostituée qui s'est faite de son fard nocturne une merveille, mais, au lever, se réveille défaite, ébouriffée, la tête en vapeur, le visage sillonné de rides creux, malheureux, semés d'insoumission à un sort sordide.


Khouribga est cette Ghnima, allongée dans un coin du marché Bacha. Cette être adorable, qui a dispensé à la ville toutes les leçons de lubricité, à deux sous. Immortelle, végétant dans les profondes contradictions. Telle qu'elle, Khouribga vivra encore plus longtemps, drapées de haillons, toujours insatisfaite. C'est à cette charmante dame qu'on devrait faire un bel enterrement. Et pourquoi pas ne l'ériger en symbole, enlacée avec Kharbouch, sur piédestal, là où celui-ci prenait sa douche nu en se masturbant, à la place de la "Magana" - ce monstre cubique qui n'a jamais indiqué l'heure exacte.

Mais, qu'importe, Khouribga est intemporelle. Elle vit en dehors des arguments du temps


Village Nsara, L9ouds, Nbi3at, Zitouna, hay Mabchour, Massira, Nahda, Dakhla, Labyout... et j'en passe. Là où vous tournez de la tête... des bousculades du souk ou bien vous sortez refroidi d'Acima, avec la frustration d'admirer le rayonnage sans oser toucher le produit exposé dans les règles du marketing... depuis où vous êtes et de là votre regard hagard s'égare... des quatre repères cardinaux, ou, plus simplement, traversant d'une chaussée à l'autre, vous voilà en voyage d'un siècle à l'autre.

Khouribga, c'est cela, à la fois : Alf laïlas moins une, dans les têtes schizophréniques, et le néant pour des esprits exigeants.

Vous ne seriez pas étonné qu'une 4x4 rutilante, ronflante, immatriculée étranger, qui klaxonne un canasson ahanant, tirant une charrette à deux roues, égaré - pauvre bête - entre deux containers de poubelle, couvercles éjectées, débordant d'une panoplie de détritus amalgamés (le moins qu'on puisse dire un ramassis d'ordures qui ne signifie nulle consommation cohérente). L'animal, ses yeux assiégés de kyrielle de mouches de toutes tailles et nuances, oreilles tendues en direction de l'avertisseur ululant, contemple avec cette compassion que possède l'animal, cette intelligence qu'il juge inutile d'exprimer, son maître à deux-tiers dans le container, les chaussures dépareillées, brassant l'air, en train de sélectionner les pourris déchets, faisant le tri des sacs de plastique noirs.

Et puis, ce que ressemble à un âne, tout efflanqué, n'a même pas le droit de flairer le butin, encore moins de déguster sa suave saveur, récolté par le maître : « Ra..ra.. watta ra, alhmar, sga3... li blani bik allah.. ach dert hta saletk 3liya rabi »... La bête, heureuse que son maître lui adresse enfin la parole, apprécie surtout l'effet du bâton pointu,  s'enfonçant entre ses épaules. Quelle soulagement! Le geste salvateur qui chasse, au moins pour un moment, la ribambelle de moucherons faisant festin d'un plaie gluante, de sang caillé et de pus dégoulinant.

En réalité,il n'avait nul besoin. La bête sait reprendre l'itinéraire balisé. Son maître doit se presser, avant qu'un autre concurrent ne passe de l'autre côté de la rue et rafle les trésors de la poubelle du coin opposé. L'âne sait aussi que son maître s'attarde plus longtemps en cet endroit. En ce moment, il soufflerait tout son dépit. C'est là où se ramasse les richesses de Salomon.

Et dire que ce charretier, davantage l'âne, ont autant de qualités que cet énergumène qui leur hurle à tue-tête afin qu'ils lui libèrent le passage.

L'enseignement subtil de ce récit : rien ne se hérite à Khouribga, tout s'arrache, grâce à la menace et surtout à la persuasion du mensonge emballé. Le digne animal le sait, s'abstient d'intervenir dans un ridicule différent entre deux usagers d'un route cabossée. Il sait que ni son maître, son fouet en l'air, ni l'autre derrière son volant, pestant sa rage, n'ont le droit de s'engueuler ainsi. Si au moins, lui, moins bête qu'eux, avait la chance, la possibilité d'emprunter le périple coûteux, afin de reconquérir son âme d'âne. Pas plus démuni que son maître, il ne possède pas l'empan d'une terre caillouteuse que le père céderait, à perte et profit, pour le confier à un «harrag », sur le périlleux saut d'un zodiaque à l'autre jusqu'à la cote d'Almaria pour festoyer avec ses semblables : les princes.

Entre temps, lors de cette escale prolongée, pendant que son maître démêle les déchets, il aurait plus de temps de repenser sa condition de « hmar », à ses congénères dans les crèches pour enfants gâtés, au delà des mers et des océans. Ces adorables et charitables mignons qui ne sortiraient pas avant de vérifier que la maman, avait empaqueté le goûter, mais sans oublier la tendre carotte et la brique de chocolat, que le bambin devrait, lors de la récrée, offrir à JOJO : l'âne mascotte de son établissement scolaire.


De jour Khouribga est invivable: sueur fétide et chaleur accablante, l'été; froid de canard, à sérieusement de se les cailler, l'hiver. Entre ces deux saisons, le clément temps n'existe pas. On fait avec ou l'on crève de désobéissance satanique.

En effet, elle n'est pas édifiée au pied d'une montagne qu'inspire un poète, ni bercée par le clapotement d'un cour d'eau qui la traverse pour accompagner le grattement d'une violoncelle, ni huée par le fracas d'un ressac qui secoue le chevalet d'un peintre. Khouribga est « mezboula » sur un plateau phosphater, comme se plaît à répéter un ami de circonstance : elle n'est pas issue d'une séduction naturelle, gestation organique, fécondation normale... Sa platitude ne produit pas d'artistes ni intellectuels : peut-être des « Chytans ». Certes, elle fabrique des techniciens (au mieux des ingénieurs bornés à leur spécialité) conformément aux souhaits de leurs parents qui ont toujours été taupes-ouvrières, crevant de sueur pour enfin élever des enfants qui devraient savoir eux aussi commander, comme tel étaient eux-mêmes brimés, à genoux, creusant à la pioche des galeries et souterrains de ce minerai qui leur a empli les poumons d'asphyxie.

 

Que raconté-je : vivable de jour, mais seulement à l'intérieur de certaines frontières, et il faut marcher vite, à pas rassurés, sans se retourner, ne donnant pas l'impression d'être vulnérable. De nuit, au-delà de ce périmètre, c'est le coupe-gorge : un état de siège sans indispensable décret. Plus le même éclairage, plus la même certitude dans la démarche et surtout la haine de soi-même: on se sent incapable de supporter la peur qui tient compagnie et serre la gorge. On tomberait en paume du simple bruit d'un rat affamé, qui, tout aussi désoeuvré, hante les lieux, fouinant dans la désolation.

Dans ces conditions, dans une ville livrée à ses affolements, un chien a tout le loisir pour s'en rendre qu'il en est un, véritablement. Sans laisses, libre, flânant d'un trottoir à l'autre, mais il n'est jamais sûr d'où le coup de pierre lui survienne. Il râle, n'essaie pas de savoir d'où la traitrise le surprenne, repart, traînant la quatrième patte abîmée, à la vitesse que ses forces lui procurent, et à cent mètres plus loin, il oublie, amnésique, à l'instar des occupants de la rue, reprend son errance, tranquille, comme si rien n'était, reniflant les traces de semelles crasseuses, à la chasse d'un débris de caca à lécher.


Khouribga est la ville où une femme ne peut arborer un joli cou serti d'une chaîne ou indiquer une marchandise avec un doigt enjolivé d'une bague. Le marchand ambulant, plein de « mahia », peut s'imaginer tous les prétextes pour lui déplanter le collier, voire lui scier le doigt. Autres que lui, ce seront ses acolytes, qui s'impatientent pas loin, avides, se morfondant, parés au feu vert de sa part pour passer à l'action. La dame a intérêt d'acheter sa marchandise avariée, au prix exigé. Faute de quoi il ne suffit d'un rien pour que ce soit l'esclandre organisée. Dans le tohubohu vite fabriqué, l'attroupement qui grossit furtivement, bourrade généralisée, on ne saurait plus qui avait arraché quoi dans le sac de son voisin : médiateurs incrédules ou accessoiristes d'un scénario assez rodé, tout le monde mêlé sans raisons en sort perdant. Des hématomes, l'oeil écorché, la pastèque disparue et ne reste que le rond vide sous le bras qui la portait... et personne à qui se plaindre : « ma 3adek lemin tgoul hmari mate »... Vas vérifier s'il existe un service d'équarrissage! Déjà il est loyalement déconseillé de rendre hommage à un cher défunt dans la morgue, c'est tout ignoble qu'une âme y passe la nuit, froide, sans palpitation de coeur, en cet endroit, en attendant l'arrosage du tuyau qui pisse par tous les trous, sur un « hssira » décatié, en guise d'ablution.

Des cohortes de chats, élisent repaires aux environs : sous les talus chétifs de l'hôpital, sur tous les fronts et au dessus de toutes le clôtures. Eboueurs engagés sans contrat, à plein temps, font un régal en s'entredéchirant les boyaux. Il n'est pas improbable que sur ce terrain de rejet, ils retrouvent leur nourriture préférées : placentas, reste d'amputation... que l'hôpital ne sait pas comment les incinérer et que les félins savent dénicher pour en faire un festin de souverains. (Cela est à prendre aux bouts des pincettes, se raconte de bouche à oreille et nécessite enquête appropriée!!!) Mais Khouribga n'est point le ville de l'impossible.


Reine d'exceptionnel, avec ses scènes quotidiennes, personne n'est plus efficace que de se blottir l'écart, un badaud prévenant, spectateur averti, se ravissant de quoi se raconter le soir en rentrant chez soi, après avoir vogué sur les mirages d'une journée exsangue, vidée que d'ennui générateur de violence. Il y a de quoi être scénariste, script, réalisateur, monteur, projecteur... en bon conteur tu dérouleras le film de ton cinéma. Le ticket est gratuit. Mais à qui le proposes-tu. Ces vaudevilles navets, westerns spaghettis, remake burlesques, on en a assez vus et revus. Jamais de happy end.


Ainsi Khouribga: elle se partage en ceux qui souffrent d'un sentiment d'insécurité exacerbé et d'autres violemment agressifs. Au milieu, il y a le gros ventre mou qui fait son chemin, rasant les murs, tête basse, gérant au mieux cette affreuse dualité. Heurté sur le trottoir, il n'ose pas réclamer pardon... Il n'ose pas dire merci à l'épicier qui lui rend la monnaie. Il ne la recompte qu'avec timidité. Toujours les crampes dans les tripes, il a la trouille d'entendre siffler ses tempes: « Pour qui celui-ci se prend-il de si haut afin de me remercier... d'ailleurs pourquoi révise-t-il sa mitraille, me prend-il pour un voleur? »

Pour premier constat, Khouribga n'a pas d'histoire ni identité affirmée. Celles-ci imbriquées, rendent normal l'échange des civilités, hypocrites soient-elles, politesses de mondanité, et surtout s'attribuent avec liberté au "savoir vivre avec" un sens sincère.


Vous suffoquez de chaleur et de trop de promiscuité chez vous. Vous sortez rejoindre « sahat bowa Omar », ou arpenter « joutia dial talian », mais dès que vous êtes dans la mêlée, une fois sur place, bousculé de toutes parts, vous n'avez qu'une idée: reprendre le chemin inverse sans atermoyer. Et comme il est rare de s'aventurer en solitaire, il faut lanterner sur le trottoir, en hélant taxi après taxi, qui passe vide, en faisant signe qu'il va dans le chemin de traverse. Le chauffeur privilégie une individualité, ramassant un voyageur ici et un autre là-bas, afin de cumuler le plus gros de sa course. Et dans l'habitacle, il attend que vous soyez installé. Kidnappé, car lui seul sait rouvrir la portière, il vous impose son itinéraire : d'abord déposer le client qu'il transporte avant à l'autre bout de la ville. Vas y, rien contre, « assidi ». « Que peut dire lmayat goudam ghassalou ». Et tout le cahotement du tacot et les injures du chauffeur contre les autres chauffards qui ne savent pas conduite, les cyclistes qui ne pédalent pas correctement, les piétons qui traversent sans faire attention... Vous aurez le droit au musc du grésillement de l'auto-radio : les sermons religieux qui vous rappellent « 3zraël » et de ce que fera de vous la première nuit de votre ensevelissement ou, si vous êtes chanceux, un « 3ayta za3ria » de mauvais goût. Votre voyage vous tangue entre paradis et en enfer. Il faut faire avec, sinon vous savez quoi: vous le payerez encore plus onéreusement.


Le petit tour que vous comptez faire pour changer d'idées noires et prétendre à quelque inspiration, un premier pas dehors vous préoccupe subitement. L'air est rempli d'inquisition. Ces détails qui, en principe, doivent soulager s'évanouissent et vous voilà seul dans une foule vagabondant sans buts. Entre café et café, il y a un autre café. Les cinémas sont sous scellés; un théâtre, il faut rêver... un jardin parfumé, il faut attendre de clamecer pour fouler l'Éden. Encore vous êtes à Khouribga, ce n'est pas la ville où il y a pas possibilité de plaire à dieu pour qu'on en soit aussi généreusement récompensé.

Le seul parc de la ville, esquisse d'une fontaine qui n'a jamais rafraîchie, est jonché de tessons de bouteilles : monopole d'ivrognes qui n'ont pas de bar digne pour aller siroter leur bière. L'esplanade du centre ville, délabrée, s'agglutinent des bougres, sur des bancs en ciment, baignés de parfum des d'escargots bouillis dans un jus noir renforcé de poivre qui camoufle son aigreur... relents des gargotes et des « chouyates » sauvages pestant un nuage de puanteur de saucisses, on ne sait de quelle viande de bête sont faites... Les narines meurtries, commissures en bave, les yeux chassieux. Vous subissez. Vous vous cassez.


Que des chaussées lépreuses à faire et refaire, aller comme de retour, abasourdies de disques piratés, un boucan qui ressemble à toutes les « chikhatsl de Chaouia Ourdigha » réunies dans un même choeur, pour un ultime vacarme d'enterrement, chialant une ville qui agonise sans prévenir. On a beau se plaindre, mais ce barouf atténue les grossièretés, les obscénités qui assiègent l'univers sonore, fusant de toutes provenances buccales: haleine de dents jaunies, par une eau qui coule mal dans les veines.


Allez vous asseoir à une table de café, si vous avez la chance d'en trouver une de libre et propre. Avant de déposer le cul sur une chaise branlante, et vous voilà assailli par tous les toqués: mendiant laissant gangréner son bras pour qu'il puisse soutirer vote dégoût, seule issue qu'il disparaisse de votre paysage, lui balancer la piécette; une autre mal voilée traînant un troupeau de marmaille sous sédative, n'ayant pas de quoi les nourrir; un autre avec une ordonnance qui date du siècle dernier et qui n'arrive pas à trouver de quoi acheter son traitement de diabète qui aurait pu le terrasser il y a belles lurettes... Et pensez toujours à laisser de quoi calmer le serveur d'un généreux pourboire, sinon la prochaine fois vous serez mal reçu, voire pas du tout servi... Toujours quelqu'un qui vient vous noyer sous son ombre : des cireurs, des cireurs et toujours des cireurs, à vous brosser les pieds nus bien que vous ne portiez que des sandales... une épave d'un gamin, à peine plus haut que son hoquet, reniflant toutes sortes de saloperies, chiffon sale sur des lèvres gercées ou la tête dans un sac de « silissoun »... Comment tenir  le coup... toujours quelqu'un qui vient vous fourguer une une quelconque marchandise? Enfin le marchand de tirage de mots fléchés, vous êtes sauvé. Dix centimes la copie, ce n'est pas cher payé, à condition d'accepter qu'a la fin vous auriez les mains en suie. Pas grave, vos méninges vont travailler, encore faut-il être abonné à l'esprit tordu du concepteur, car il a des définitions spécifiques et il faut en être dépendant. Un accro.

Ce sont cela les estaminets de Khouribga, ne possédant pour divertissement. Hantés par des impressionnantes foules d'adolescents qui n'ont jamais trouvé un travail correct, de retraités qui ont trimé pour rien, et pas une seule femme... un univers croulant sous le poids de la morosité.

Prophète ou limier observateur, abstenez-vous. Le coeur se tord et l'esprit se dessèche, juste à regarder cet autre mal luné, affalé à même le trottoir, n'ayant pas de quoi se donner le prestige d'être attablé, se contentant de jeter un regard ahuri dans le panier d'une ménagère qui le trimbale vide sauf de misère. Rien à lui arracher.


Que serait Khouribga sans cafés. Lieu de haute culture : on se passe le journal de main en main, à même en boule froissé. Ce temple où chacun s'oublie et à maintes reprises redemande qu'on lui réchauffe la marre. Il n'est pas nécessaire de lire ce qui se trame dans les têtes, c'est au fond de la tasse que l'avenir se dessine. A quoi va ressembler la ville, si l'on imagine que sur un coup de tête, et de plus en plus des folles « fatwas » font irruption, on déciderait de fermer les cafés, interdire le cercle de curieux autour d'un charlatan, les voltiges de « Sidi Hmadou Moussa »... Ce sera une ville d'enfer plus qu'elle n'est.

Tout cela ne procure qu'un éphémère répit, mais ça reste fécond dans une cité morte d'activité culturelle authentique. Le relent des boulevards viciant l'esprit, où peut-on alors aller couver son aigreur, sauf dans cet ennui mortel ?


Voilà, la boucle est bouclée. On est convaincu de l'idée de reprendre le chemin de retour, avant les autres membres de la famille. Au moins, on ne serait pas dépassé pour trouver la place la moins inconfortable, devant la télé, pour gober la énième épisode de « l3aouni », passée et repassée il y une décennie de ramadans... Si l'on rentre tard, pas de lumière, on tâte à l'aveuglette, et, quelle chance, un « sadari » disponible, où l'on s'allonge sans rechigner, tout apte, grâce aux ingrédients des péripéties de la journée, le bide gargouillant de vent, de refaire le même joli cauchemar qu'hier : c'est tout ce qu'il faut pour se réveiller demain, pour un destin analogue à celui d'aujourd'hui.


Il y aurait une autre solution, si l'on hésite à retrouver la faim et la misère du lit ! Seulement Khouribga ne dispose pas de ponts assez hauts pour se lancer dans le vide, de cette hauteur qui libère de cette souffrance mal assumée - d'une mémoire collective cancérigène.

Autrement, il vous reste d'aller se jeter devant le train. Au moins, vous faites une mort qui défraie la chronique le lendemain. Sinon, vous demeurez rien, un simple anonyme qui réitère l'atroce routine qui pile les nerfs


Bien le bon retour à ceux et celles qui reviennent l'été. Ce sera Ramadan. « lahrira » vous attend.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Dommage que l langue soit approximative. cela pourrait être intéressant
Répondre
T
C'est mechannnnt!!!!Je vois que tu n'as que des mauvais souvenirs de Khouribga.En plus tu affirmes que c'est une ville qui n'a ni histoire ni identité,là je te recommande un petit air de culture<br /> generale et je te pose une petite question:"Es-tu natif de cette ville ou un simple mo3amir?"Quand tu auras répondu(je le souhaite bien fort)nous ouvrirons le débat.Merci
Répondre
B
<br /> j'ai lu (un peu en diagonale, je l'avoue) et je crois reconnaitre un certain omar avec qui j'ai partagé<br /> des moments inoubliables ... Je reviendrais.<br /> <br /> <br />
Répondre